Le prix Renaudot à « D’après une histoire vraie », de Delphine de Vigan
Les jurés du Renaudot ont récompensé avec ce roman l’un des succès public et critique de la rentrée littéraire.
Le Monde | 03.11.2015 à 14h32 • Mis Ă jour le 03.11.2015 à 15h09 | Par Raphaëlle Leyris
Annoncé dans la foulée du prix Goncourt. attribué à Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud), le prix Renaudot a été attribué à D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (Lattès).
Succès à la fois public et critique de cette rentrée, son point de départ est justement l’histoire d’un succès qui fragilise. Lorsqu’on ouvre le roman, on découvre Delphine de Vigan, laissée quelque peu exsangue par Rien ne s’oppose à la nuit (JC Lattès, 2011), et l’ardeur qu’il a déclenchée. C’est dans cet état de vulnérabilité qu’elle rencontre L. dont elle se rendra compte plus tard qu’elles ont été condisciples en classes préparatoires.
Un roman à la fois risqué et réussi
L. travaille comme nègre dans l’édition, « accouchant » stars et Âindividus aux destins plus ou moins exceptionnels de leurs rĂ©cits autobiographiques. L. professe que le roman d’imagination est mort, que seule la vĂ©ritĂ© des faits intĂ©resse les lecteurs, et qu’après Rien ne s’oppose Ă la nuit, consacrĂ© Ă sa mère, il n’est plus temps pour Delphine de Vigan de faire marche arrière, et de prĂ©tendre pouvoir Ârevenir Ă la fiction stricte, avec des personnages fabriquĂ©s de toutes pièces. L. exerce une emprise croissante sur l’écrivaine en proie au doute, dĂ©sormais incapable d’écrire, toujours plus isolĂ©e…
Des citations de Stephen King, tirées de La Part des ténèbres et de Misery (Albin Michel, 1989 et 1990) ouvrent chacune des trois parties (« Séduction », « Dépression », « Trahison ») du roman, et l’influence de l’Américain se sent tout au long de ce roman à la fois risqué et réussi. Dans une atmosphère oppressante, Delphine de Vigan titille le goût de ses lecteurs pour le vrai et joue avec le flou entre réel et fiction. Menant une réflexion en acte, tout à fait convaincante, sur les pouvoirs de l’un et de l’autre. Les jurés du Renaudot sont venus le confirmer .